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MOTS ET CALQUES INTERNATIONAUX



2015-12-06 410 Обсуждений (0)
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DANS LE VOCABULAIRE DU FRANÇAIS MODERNE

 

§ 84. Caractéristique des vocables internationaux. Les mots in­ternationaux sont ceux qui, faisant partie du vocabulaire de langues diffé­rentes, remontent étymologiquement au même vocable ou aux mêmes éléments de mots et dont la structure sonore et la valeur sémantique sont, par conséquent, proches ou communes.

Il faut ajouter ici les calques internationaux qui sont des mots ou expressions reproduisant la forme interne du mot ou de l'expression de la langue servant de source et à sens analogue.

Les vocables internationaux facilitent l'établissement des rapports culturels entre les peuples de pays différents, c'est pourquoi leur présence dans le vocabulaire d'une langue est utile et leur rôle en tant que moyen de communication est considérable.

Ce sont surtout les diverses terminologies qui sont riches en vocables internationaux.

Signalons tout d'abord la terminologie à valeur sociale et politique qui a un caractère international très accusé : les termes tels que politique, diplomatie, révolution, révolutionnaire, propagande, régime, social, na­tionaliser, centraliser et beaucoup d'autres se retrouvent dans plusieurs langues européennes.

Il en est de même pour la terminologie scientifique, par exemple : géographie, histoire, littérature, chimie, physique, linguistique, mathé­matique, philosophie, abstraction, etc. La terminologie technique com­prend aussi beaucoup de mots internationaux : électricité, électrification, film, radio, machine, automobile, autobus, trolleybus, téléphone, télé­graphe, terminal, site, Internet, tokamak, clonage.

Un grand nombre de vocables internationaux en français contempo­rain sont des emprunts. La première place revient aux emprunts de mots et d'éléments de mots faits aux langues mortes. Le rôle du latin, qui était la langue internationale de la science jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, est particulièrement important. Le latin n'a pas perdu cette valeur jusqu'à présent pour les sciences telles que la médecine, la zoologie, la botani­que, la paléontologie et certaines autres.

De tous temps les langues européennes et en premier lieu les langues romanes s'assimilaient facilement les termes formés d'éléments latins et grecs. C'est pourquoi on faisait le plus souvent appel au latin et au grec lorsque les progrès de la science et de la technique exigeaient la dénomi­nation de quelque concept nouvellement surgi.

Certains éléments de mots, généralement d'origine grecque, sont d'une productivité exceptionnelle. Tels sont : -logue et -logie du gr. logos -« notion, mot, discours, traité », -mètre du gr. metron - « mesure » ; -graphe et -graphie du gr. graphos, graphia de graphein - « écrire » ; télé- du gr. télé - « loin » qui ont fourni de longues séries de vocables internationaux.

Parmi les langues vivantes l'italien et l'anglais ont considérablement enrichi le lexique international. Dans beaucoup de langues les termes de guerre, de marine, de banque, d'architecture et de musique sont de prove­nance italienne, les termes techniques et sportifs d'origine anglaise.

Le français, qui à son tour a servi aux autres langues de source fécon­de d'emprunts, a fourni aussi un grand nombre de vocables internatio­naux. Nommons parmi les plus employés : abordage, agiotage, avance, avant-garde, artiste, attaché, barrière, bourgeois, bourgeoisie, cliché, communiqué, garage, volontaire, trottoir et beaucoup d'autres.

 

CHAPITRE IV

ÉLÉMENTS NOUVEAUX ET ARCHAÏQUES

DANS LE VOCABULAIRE DU FRANÇAIS MODERNE

§ 85. Les néologismes. Généralités. Les néologismes (du gr. neos -« nouveau » et logos - « notion, mot ») sont des mots et des locutions . nouvellement surgis dans la langue, ainsi que des mots anciens employés dans un sens nouveau. Les néologismes reflètent d'une façon manifeste le lien indissoluble qui existe entre la pensée et la langue. Toute notion nouvelle engendrée par la pratique de l'homme dans les multiples domai­nes de son activité reçoit nécessairement une dénomination dans la lan­gue. Ainsi apparaissent les néologismes.

Les néologismes sont non seulement des créations indigènes, des vocables formés par les moyens internes de la langue même, mais aussi des emprunts faits à d'autres idiomes.

Les vocables figurent dans la langue en qualité de néologismes tant qu'ils sont perçus comme y étant introduits récemment. Peu à peu. avec le temps, ils se confondent avec les vocables plus anciens, finissent par ne plus s'en distinguer et perdent ainsi leur valeur de néologismes. Cer­tains d'entre eux. créés dans des buts sensationnels ou représentant des fabrications fâcheuses, sont relégués dans l'oubli presque aussitôt après leur naissance.

Il est fort difficile et le plus souvent impossible d'établir exactement la date de l'apparition d'un néologisme, car l'enrichissement graduel de. la langue est le résultat des efforts réunis du peuple en entier. C'est à l'esprit populaire qu'on est redevable de maintes créations heureuses, souvent plaisantes, telles que amuse-gueule, couche-lard, remue-ménin­ges, grenouillage, touristocrate, diplômite, déboussoler, lézarder (au soleil), moulinette, entrées dans l'usage dans le courant du XXe siècle. Seulement pour certains vocables dont l'auteur est connu on peut indi­quer la date plus ou moins précise de l'apparition. Ce sont pour la plupart des ternies scientifiques et techniques qui, devant être précis par excel­lence, contiennent souvent leur propre définition comme, par exemple, oxygène (« propre à engendrer les acides ». du gr. oxus - « acide » et gennân - « engendrer ») créé en 1786 par A. Lavoisier : sociologie formé en 1830 de société et du gr. logos - « discours ». « traité » par A. Comte sur le modèle de mots savants comme biologie, géologie, etc. : cinémato­graphe créé au début du XXe siècle par les inventeurs, les frères Lumière, du gr. kinêma - « mouvement » et graphein - « écrire » et vulgarisé sous la forme de cinéma et ciné. Le mot socialisme était formé dans les années 30 du siècle dernier par le socialiste-utopiste P. Leroux, et encore son sens n'était-il pas très précis. P. Ronsard était convaincu d'avoir créé le mot ode. mais en réalité, ce mot était déjà employé avant lui.

Les innovations lexicales servent avant tout à donner un nom aux objets et aux concepts nouveaux ; ce sont des néologismes dénominatifs. Il faudrait leur opposer les néologismes expressifs qui répondent non pas à la nécessité de fixer des phénomènes nouveaux, mais au besoin d'ex­pression affective et appréciative (cf. : idéologisation, d'une part, et lava­ge de cerveau, de l'autre).

On distingue les néologismes l i n g u i s t i q u e s et les néologismes i n d i v i d u e l s (dits stylistiques ou hapax). Les premiers sont le patri­moine de toute la nation et font partie du vocabulaire de la langue. Les derniers sont des inventions individuelles créées généralement par des écrivains dans des buts esthétiques comme moyen d'expression littérai­re ; les créations individuelles n'appartiennent pas à la langue nationale, n'étant compris que dans le texte où ils sont employés et auquel ils res­tent attachés.

Cependant les néologismes stylistiques les mieux réussis ont toutes les chances de passer dans le vocabulaire de la langue nationale : tel a été le sort de s'égosiller créé par Molière, de mégère introduit au sens figuré par Saint-Simon ; c'est à V. Hugo qu'on doit hilare et gavroche et à H. de Balzac gâterie.

Il est à signaler que les néologismes linguistiques peuvent être aussi bien dénominatifs qu'expressifs, alors que les néologismes stylistiques sont pour la plupart des néologismes expressifs. Ainsi les néologismes se différencient selon les fonctions qu'ils remplissent dans le processus de communication.

Les néologismes ne passent pas toujours sans encombre dans la lan­gue nationale. De tout temps ils ont été freinés par les puristes.

En France le mouvement puriste atteint son apogée au XVIIe siècle. En ce siècle d'ordonnance et de clarté les défenseurs « du bon usage » condamnaient tout néologisme au nom de « la belle harmonie » du fran­çais qui à leurs jeux avait atteint la perfection. S'il avait été possible de suivre cette voie le français serait devenu « langue morte ».

À la tête du mouvement puriste s'est toujours trouvée et se trouve jusqu'à présent l'Académie française. En 1937, auprès de l'Académie, a été fondée une commission spéciale « L'office de la langue française » qui avait pour fonction de faire « le choix » des mots, de rejeter les néologis­mes « trop hardis ». Cependant le besoin de communiquer des idées nouvelles impose forcément à la langue les créations les plus heureuses Au XVIIe siècle on critiquait en tant que néologismes les mots exactitude, gra­titude, emportement, accablement qui sont aujourd'hui dans toutes les bou­ches. À propos de à présent Vaugelas écrivait : « Je sais bien que tout Paris le dit et que la plupart de nos meilleurs écrivains en usent : mais je sais aussi que cette façon de parler n'est point de la cour, et j'ai vu quelquefois de nos courtisans, hommes et femmes, qui, l'ayant rencontré dans un livre d'ailleurs très élégant, en ont soudain quitté la lecture, comme faisant par là un mauvais jugement du langage de l'auteur. On dit : à celte heure, main­tenant, aujourd'hui, en ce temps, présentement. »

Encore au milieu du XXe siècle on pouvait voirblâmer fortuné, acci­denté au sens de « victime d'un accident», dévisager au sens de « regar­der», débaucher dans « débaucher des ouvriers » qui de fait étaient déjà d'un usage courant.

Signalons cependant que seulement une partie des néologismes sur­vit dans la langue La langue qui se développe d'après ses propres lois ne se laisse guère imposer des créations baroques dues à la mode ou à quel­que tendance passagère. Ces mots sont, en règle générale, voués à la mort

Seuls les néologismes d'une bonne frappe, formés d'après les lois du développement de la langue et répondant aux exigences de la société, méritent véritablement d'être acceptés Les vocables nouvellement créés sont surtout nombreux aux époques des grands changements et des bou­leversements produits à l'intérieur de la société sans que toutefois cette abondance de néologismes se fasse ressentir sur le système même de la langue.

 

§ 86. Le rôle de la Révolution française dans le renouvellement et la démocratisation du vocabulaire. La Révolution française du XVIIIe siècle, dont une des œuvres capitales a été la libération des esprits des contraintes linguistiques imposées parles régulateurs rigoureux du siècle du classicisme, a déclenché la démocratisation de la langue française qui se poursuit jusqu'à nos jours. C'est durant cette période mouvementée que font leur apparition des mots tels que activer, alarmiste, centraliser, centralisation, propagande, réquisition, polytechnique, guillotine, guillo­tiner, carmagnole : à côté de révolutionnaire sont créés contre-révolu­tionnaire, ultra-révolutionnaire. Certains mots s'approprient un sens nou­veau : ainsi démocratie n'était auparavant qu'un tenue d'antiquité : pendant la Révolution il signifie, selon la définition de Robespierre « un Etat où le peuple souverain, guidé par les lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu'il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu'il ne peut faire lui-même»; le mot patriote était un synonyme de compatriote, a été popularisé au sens d’« homme fidèle au régime existant » : réaction n'était auparavant qu'un tenue de physique, après la Révolution il est devenu un ternie politique voulant dire « les ennemis de la révolution » et la réaction royaliste était un emploi nouveau : de réaction on a formé réactionnaire qui a éliminé réacteur de la même époque.

Ainsi le XVIIIe siècle aété marqué par l'apparition de tenues surtout socio-politiques reflétant les perturbations sociales de l'époque

En jetant bas l'ancien régime féodal la Révolution a donné le coup de fouet au développement du capitalisme en France - événement ma­jeur qui s'est répercuté dans tous les domaines et, en conséquence, dans la langue.

Le XIXe siècle a vu la création et la vulgarisation de nombreux néologismes reflétant les acquisitions techniques et scientifiques. Les plus représentatifs sont les termes d'un transport modernisé dont, entre autres, chemin de fer (calque partiel de l'anglais railway), locomotive, rail ; ba­teau à vapeur, transatlantique ; automobile, automobiliste ; aéroplane, avion, aviation, aviateur ; quant aux nombreux termes scientifiques bor­nons-nous aux plus insignes, tels vaccin (et ses dérivés), pasteuriser, pas­teurisation, rayons X.

Donc, la Révolution, ce grand événement historique, a déterminé dans une large mesure l'évolution ultérieure du français.

 

§ 87. Les néologismes français du XXe siècle. Parmi les grands événements politiques de ce siècle qui ont donné naissance à de nom­breux néologismes il faut nommer la crise économique des années 30 en France, la deuxième guerre mondiale et le mouvement populaire pour la paix et la démocratie qui s'est déroulée dans la période d'après-guer­re.

Dans les années 30, pendant la crise économique et politique, des vocables nouveaux apparaissent en liaison avec le renforcement de la lutte des classes et l'accroissement du mouvement gréviste C'est alors qu'on voit entrer dans l'usage sans-travail, plus expressif que chômeur ; les licenciements massifs des ouvriers ont donné naissance au verbe lockouter (formé de lock-out, empaint fait à l'anglais déjà vers la fin du XIXe siècle) et à son participe passé substantivé lockouté. Le mépris que le peuple nourrissait à l'égard de la police, gardienne du pouvoir réac­tionnaire, est parfaitement rendue par le néologisme flicaille, tiré de flic - « agent de police » ; les représailles policiers ont donné lieu à la création de matraquer, matraquage, matraqueur de police - « agent de police », tirés de matraque - «trique, bâton ».

La lutte opiniâtre de la partie la plus démunie du peuple français pour ses droits a provoqué l'apparition des mots et des expressions tels que : gréviste, grève générale, comité de grève, grève de protestation, grève revendicative, grève perlée - «итальянская забастовка», bri­seur de grève avec ses synonymes : un jaune, un renard - «штрейкбpexep», grève sur le tas - «польская забастовка», piquet de grève ; marche de la faim, contrat collectif et son synonyme conven­tion collective ; allocation de chômage ; faire la chaîne - « s'unir pour la lutte » : débrayer et débrayage, qui auparavant n'étaient que des termes techniques, acquièrent un sens politique et signifient « cesser le travail ; la cessation du travail dans une usine », le verbe débrayer dans sa nouvelle acception engendre le dérivé débrayeur.

Déjà au cours des préparatifs de la deuxième guerre mondiale on voit surgir des locutions et des mots nouveaux tels que surarmement, course aux armements, défense passive - «светомаскировка». À la suite de l'instauration du régime fasciste en Italie et plus tard en Alle­magne apparaissent des mots reflétant des notions qui provoquent là haine des peuples : fascisme, fasciste, fascisation, fascisant, nazi, na­zisme, nazification.

Le mot cagoule signifiait primitivement « espèce de capuchon avec des ouvertures pour les yeux » dont se vêtaient les moines d'un certain ordre religieux. Comme les fascistes portaient eux aussi des capuchons, le mot cagoulard a désigné un membre d'une organisation fasciste.

Pour désigner la guerre entre l'Allemagne et la France en 1939-1940, lorsque d'après les ordres du gouvernement de trahison les soldats fran­çais reculaient devant l'ennemi, apparaît l'expression drôle de guerre.

Dans la période de l'occupation de la France par les fascistes alle­mands sonf créés vichyssois et vichyste pour désigner les membres du gouvernement français profasciste établi à Vichy ; les anciens mots colla­borer, collaboration et le nouveau collaborationniste, abrégé dans l'usa­ge courant en collabo sont appliqués à ceux qui trahissaient la patrie en faisant le jeu des fascistes allemands ; de gangster, emprunté au sens de « bandit » à l'anglo-américain dans les années 30, sont formés gangstéris­me, gangster politique caractérisant la politique et le comportement des occupants fascistes.

Le mouvement de la Résistance qui s'est emparé des larges masses populaires a engendré toute une série de néologismes : le mot résistance s'est enrichi d'un sens qu'il n'avait pas auparavant il est devenu un ter­me politique, signifiant « action menée par les patriotes français contre l'occupation allemande en 1940-1944 » : de l'adjectif responsable on a fait un substantif désignant un militant actif du mouvement de la Résis­tance responsable d'une mission importante ; le mot maquis, proprement « terrain couvert de broussailles et d'arbrisseaux en Corse » a commencé à désigner des détachements de partisans français qui, voulant se soustrai­re à l'ennemi, se cachaient dans les broussailles ; plus tard, par extension, maquis a reçu le sens d'« ensemble de patriotes français luttant clandesti­nement sous l'occupation » ; son dérivé maquisard a servi à désigner celui qui « a pris le maquis » pendant l'occupation allemande. Signalons encore l'expression milice patriotique due aussi au mouvement de la Résistance. Au cours de la période d'après-guerre des néologismes surgissent en liaison avec les préparatifs d'une éventuelle guerre mondiale. De atome sont tirés atomique, atomisation. On voit apparaître des expressions telles que guer­re atomique, psychose atomique, bombe atomique, arme atomique, arme nucléaire, arme bactériologique, arme microbienne et beaucoup d'autres. Les adeptes d'une politique de guerre et de rapine sont marqués des noms déshonorants de fauteurs de guerre, fomentateurs de guerre, excitateurs à la guerre, propagateurs de la guerre.

Les relations tendues du monde capitaliste avec l'ex-Union Soviéti­que et les pays du camp socialiste ont donné naissance à l'expression guerre froide. La période d'après-guerre est marquée du mouvement des peuples pour la paix qui a pris une ampleur sans précédent. Ce mou­vement toujours croissant a contribué à la cristallisation de certaines ex­pressions qui ont acquis une valeur nouvelle ; nommons entre autres : partisan de la paix, combattant de la paix, défenseur de la paix, mi­litant pour la paix, soldat de la paix, forces de paix, ronde de la paix, colombe de la paix, monter la garde de la paix.

L'année 1968 se signale par une révolte de la jeunesse estudiantine qui exigeait une réforme foncière de l'enseignement et aspirait à un re­nouveau dans les relations sociales et familiales. Ce mouvement universi­taire a déclenché un large mouvement social qui depuis Paris a fait tache d'huile dans tout le pays. Cet événement s'est répercuté sur le vocabulai­re par l'apparition de mots tels que marginal (subst.) - « étudiant, chô­meur », contestataire (subst.) et d'emplois nouveaux dont participation - « droit de libre discussion et d'intervention des membres d'une commu­nauté », contestation - « remise en cause des idées reçues dans un grou­pe social ; refus de l'idéologie régnante ».

Le français contemporain ouvre largement les portes aux ternies tech­niques et scientifiques qui reflètent les acquisitions de la pensée humaine.

Dans la première moitié du XXe siècle le vocabulaire s'enrichit de termes relatifs à la cinématographe et la radio qui sont, avant la télévision, les moyens les plus importants autant de la propagande idéologique que de la diffusion de la culture.

Ainsi le cinéma a donné : fumage, filmer, filmologne, fltmothèque. documentaire (m), cadrage, cinéaste, cinéroman, cinémathèque, travalling, etc. ; la radio a engendré : radio (f), radio (m), radio-diffusion, T. S. F., micro(phone), haut-parleur, radioamateur, écoute (ne quittez pas l'écoute), speaker, speakerine, etc.

Parmi les innovations plus récentes, apparues avec les derniers pro­grès de la science et de la technique, nommons : alunir, alunissage, as­tronef, astroport, cosmodrome, cosmonaute, cosmonef. espace cosmique, satelliser, satellite artificiel, spoutnik (conquête du cosmos) ; cassette, chaîne, électrophone, haute-fidélité (abrév. hi-fi), magnétoscope, micro­sillon, télédistribution, téléviseur, transistor, vidéocassette, vidéodisques (audiovisuel) ; aéroglisseur, airbus, alcooltest, altiport, autoradio, auto­route urbaine, challenger, cyclomoteur, microbus, minibus, parcmètre (moyens de transport, voyages) ; bande magnétique, calculatrice, calcu­lette, mémoire, ordinateur, télématique, fax, faxer. minitel, Internet, lo­giciel, réalité virtuelle (informatique).

Avec la généralisation de l'enseignement et le développement des mass média un grand nombre de ces termes reçoit un emploi commun.

La néologie affecte non seulement la terminologie spéciale, mais aussi le vocabulaire de tous les jours. Signalons à titre d'exemple : cusinette. emballage perdu, friteuse, gadget,H.L.M., lave-vaisselle, moquetter (de moquette), piéton, -ne (rue-piétonne), R.E.R., T.G.V., supermarché, tiercé, surveste, surligneur, routard (qui fait du stop), roller, pochothèque.

L'époque actuelle connaît une créativité « néologique » comparable à celle qui a marqué le XVIe siècle, à une distinction près : les préceptes de du Bellay étaient adressés aux écrivains et aux théoriciens de la langue, alors qu'aujourd'hui chacun se croit autorisé à « néologiser » sans contrô­le. Cette « créativité » excessive entraîne parfois des conséquences fâ­cheuses : on constate une profusion de doublons qui encombrent la langue et confondent les usagers. Ainsi on dit pareillement séismicité et sismicité, quadruplage (du prix du pétrole) et quadrupleraient, faisabilité et faisibilité (pris à l'anglais), réceptionniste (dans un hôtel) et réceptionnaire, etc. Compte tenu en plus de la « fureur anglicisante » il est facile de comprendre les appréhensions des linguistes français face à la prolifé­ration des néologismes gratuits. Des organismes officiels sont chargés de faire un tri parmi le flot d'innovations lexicales. Il y a lieu de mentionner les tentatives de réglage qui font appel non plus au « bon usage », mais aux propriétés inhérentes à la structure du français. Ainsi, l'ouvrage de A. Sauvageot « Français d'hier ou français de demain » n'est rien autre qu'un répertoire de recommandations visant, à partir d'un principe struc­tural, à combattre l'« anarchie » qui règne aujourd'hui dans la langue fran­çaise afin de lui assurer « un avenir qui soit digne de son passé ».

 

§ 88. Les archaïsmes dans le vocabulaire du français moder­ne. À côté de l'enrichissement perpétuel du vocabulaire nous assistons à un processus contraire : au dépérissement de certains de ses éléments qui tendent à disparaître de l'usage.

Quoique le nombre des éléments tombant en désuétude ou, autrement dit, des archaïsmes (tiré du mot gr. arkhcrikos - « ancien ») soit infime, comparé à celui des néologismes, ces éléments vieillis présentent un cer­tain intérêt du fait qu'ils témoignent des modifications graduelles qui se produisent dans le vocabulaire ainsi que par la place particulière qu'ils y occupent. Les archaïsmes sont des mots qui, dans toutes ou certaines de leurs acceptions en vertu de motifs différents, cessent d'être indispensa­bles en tant que moyen de communication des hommes entre eux et finis­sent par être évincés de l'usage courant. Les archaïsmes sont de deux types différents :

1) les archaïsmes exprimant des notions d'une valeur purement his­torique et qui de ce fait sont en voie de disparition ; ils figurent dans le vocabulaire d'une langue en tant que mots historiques ou historismes, témoins des époques et des mœurs révolues ; tels sont dans le vocabulaire du français moderne druide, druidesse - « prêtre, prêtresse des Gaulois », escarcelle - « grande bourse pendue à la ceinture, en usage au Moyen Âge », escopette et espingole - « anciennes armes à feu » ; tels sont aussi les noms de beaucoup d'objets et de phénomènes se rapportant au régime féodal et disparus après la Révolution française du XVIIIe siècle, par exem­ple : bailli - « officier qui rendait la justice au nom du roi ou d'un sei­gneur », dîme - « dixième partie des récoltes, qu'on payait à l'Église ou aux seigneurs », échevin - « magistrat municipal avant 1789 », échevinage - « fonction d'échevin ; corps des échevins ; territoire administré par les échevins », sénéchal - « officier féodal qui était chef de justice », sénéchaussée - « étendue de la juridiction d'un sénéchal », taille - « im­pôt mis autrefois sur des roturiers ». À l'époque de la Révolution françai­se apparaissent les muscadins - « des royalistes qui cherchaient à se singulariser par leur mise extravagante » ; nommons encore des termes d'antiquité comme bacchanale - « fêtes latines en l'honneur de Bacchus », bacchante - « prêtresse de Bacchus », forum - « place où le peu­ple s'assemblait, à Rome, pour discuter des affaires publiques », patriciat - « dignité de patrice, de patricien », patricien - « citoyen ro­main faisant partie du patriciat, noble romain » ;

2) les archaïsmes qui sont des vocables désuets associés à des no­tions vitales qui survivent dans la langue et qui sont rendues par d'autres vocables plus récents ou plus fortunés ; ce sont, par exemple, cuider et engeigner employés encore par La Fontaine (« Tel, comme dit Merlin. cuide engeigner autrui ») et remplacés dans le français moderne par pen­ser et tromper : ce sont aussi couard, couardise, courre, s'éjouir, friseùr. goupil, partir, val qui ont cédé la place à poltron, poltronnerie, courir, se réjouir, coiffeur, renard, partager, vallon de même que fabrique au sens de « biens, revenus d'une église », maîtrise signifiant « autorité de maî­tre ».

Il est à remarquer qu'avant de disparaître complètement de la langue, les archaïsmes parviennent à se réfugier dans quelque locution toute faite plus ou moins courante où ils peuvent vivoter durant de longs siècles. Tels sont dans le français moderne les cas de partir dans avoir maille à partir avec qn, de courre dans chasse à courre, de val dans par monts et par vaux.

Parfois les archaïsmes se confinent dans quelque terminologie spé­ciale ; parmi les termes de droit on trouve biens meublesmeuble est employé dans son ancienne fonction d'adjectif ; roche qui dans la langue commune cède le pas à rocher est utilisé par les géologues ; miroir, for­tement concurrencé dans l'usage courant par glace, est recueilli par les opticiens.

 

TROISIEME PARTIE

STRUCTURATION SÉMANTIQUE ET FORMELLE

DU VOCABULAIRE DU FRANÇAIS MODERNE

 

LES SOUS-SYSTÈMES DUS AUX RELATIONS

ASSOCIATIVES AU SEIN DU VOCABULAIRE FRANÇAIS

§ 89. Notions préliminaires. Dans son « Cours de linguistique gé­nérale » F. de Saussure a émis l'idée d'une « coordination » du lexique où chaque mot serait le centre d'une « constellation » associative.

Cette approche relationnelle apermis plus tard l'élaboration de divers « champs linguistiques ». En effet, le caractère systémique du vocabulaire repose sur son organisation structurée qui se traduit par l'existence de sous-systèmes ou ensembles lexicaux réunis selon quelque indice. Étant l'unité d'une forme et d'un contenu le mot peut faire partie de sous-systè­mes formels, sémantiques ou sémantico-formels.

Dans les sous-systèmes formels viennent se ranger les homonymes et les paronymes (mots à sens différents, à prononciation similaire).

Parmi les sous-systèmes sémantiques on distingue sur l'axe paradig-matique les champs conceptuels, les groupes lexico-sémantiques, les sé­ries synonymiques, les antonymes, les hypéronymes et les hyponymes. On appelle hypéronymes ou (superordonnés) un vocable dont le sens est inclus dans les sens d'un ou de plusieurs autres vocables, ces derniers étant des hyponymes ; ainsi il y a inclusion du sens (ou du sémème) de arbre dans les sens (ou sémèmes) de chêne, tilleul, hêtre, etc. Nous sommes dans ce cas en présence de rapports hypéro-hyponymiques.

Un champ conceptuel réunit tous les vocables se rapportant à une notion générale ou indice notionnel appelé invariant (tels sont, par exemple, tous les vocables se rapportant à la notion de « beau »).

Un groupe lexico-sémantique comprend les mots à signification simi­laire et appartenant à la même partie du discours. Les vocables faisant partie d'un groupe lexico-sémantique suppose nécessairement un indice notionnel commun, c'est pourquoi un groupe lexico-sémantique représen­te une variété de champ conceptuel. Ainsi, à partir de la notion de dépla­cement, on peut dégager les verbes aller, venir, entrer, sortir, arriver, partir, courir, fuir, déguerpir, etc.

L'indice notionnel central ne recouvre pas dans la même mesure le contenu sémantique des vocables formant un groupe lexico-sémantique ou un champ notionnel. Pour une partie de ces vocables il est de première importance, pour d'autres il est d'ordre secondaire. Les premiers consti­tuent le noyau, les seconds se situent à la périphérie du groupe ou du champ. Le rôle différent de l'invariant notionnel dans la structure de la signification des vocables explique les contours plutôt vagues des groupes lexico-sémantiques et des champs conceptuels.

Les champs conceptuels et les groupes lexico-sémantiques sont les plus vastes ensembles au sein du vocabulaire. Plus restreintes sont les séries de synonymes, d'antonymes, etc., mais, en revanche, ces ensem­bles se laissent plus nettement délimiter.

Sur l'axe syntagmatique on distingue les « champs syntagmatiques » (dénommés encore « champs sémantiques » qui englobent les combinai­sons possibles d'un mot avec d'autres mots. Par exemple, pour le verbe dévorer on constatera que dans son sens principal il aura pour sujet des noms désignant des bêtes féroces et pour complément direct des noms d'êtres animés (l'ours a dévoré le mouton, le renard a dévoré la poule), dans un de ses sens secondaires le sujet sera un nom abstrait et le complément un nom de personnes ou son substitut (le chagrin, les soucis le dévorent) et encore dans un autre sens le sujet sera un nom de personnes et le complé­ment un nom abstrait (le subalterne a dévoré un affront, une injure).

Le relevé de la totalité des combinaisons d'un mot permet d'en préci­ser les significations et la fréquence des emplois divers.

Parmi les sous-systèmes sémantico-formels qui relèvent de la lexico­logie il faut ranger les champs morphologiques dont la structure dépend des morphèmes constituant le mot central. Ainsi pour le mot légalité il est possible de dégager deux sous-systèmes, prenant comme point de départ ou bien la racine (légal, /égal-ement, légal-iser, légal-isation, légal-iste, il-legal, il-legal-ement, il-legal-ité), ou bien le suffixe (null-ité, généros-ité, etc.), ce qui donnera, dans le premier cas, une famille de mots et, dans le second, une série suffixale.

Dans notre cours nous nous bornerons à une description plus dé­taillée des sous-systèmes paradigmatiqties d'ordre lexico-sémantiques les mieux explorés.

 

CHAPITRE I.

LES SYNONYMES

§ 90. Généralités. Les opinions des linguistes contemporains sur la synonymie sont fort différentes. Pour certains linguistes les vocables sont synonymes à condition d'avoir une valeur sémantique identique. Ceux-ci étant réduits au minimum, ces linguistes en arrivent à nier l'existence même de la synonymie. M. Bréal [51] affirme que la synonymie est un phéno­mène précaire et provisoire, de courte durée qui se détruit infailliblement du fait que les mots-synonymes sont sujets à l'évolution sémantique et acquièrent, par conséquent, des acceptions distinctes.

En effet, les séries synonymiques subissent des regroupements au cours des siècles et toutefois la synonymie comme telle demeure un phé­nomène constant de la langue.

La synonymie est un phénomène dialectique qui suppose tout à l'a fois des traits communs et des traits distinctifs. Les vocables forment des sé­ries synonymiques à partir de leur communauté, mais leur présence dans la langue est due principalement à leur fonction différentielle

La synonymie se révèle dans la synchronie, elle est un indice du ca­ractère systémique de langue.

Au cours de son développement historique la langue devient un ins­trument de communication de plus en plus parfait. La richesse de la syno­nymie, en particulier, témoigne de la richesse de la langue en entier.

 

§ 91. Les critères de la synonymie. En abordant le problème de la synonymie il faut avant tout préciser quels doivent être les rapports sé­mantiques entre les mots afin qu'on puisse les qualifier de synonymes et quels sont les cas où, malgré la similitude des acceptions des mots, il n'y a point de synonymie entre eux.

Dans certains ouvrages les mots sémantiquement apparentés, réunis par le même ternie d'identification, sont qualifiés de synonymes Ce sont généralement des vocables plus ou moins voisins quant à leurs acceptions qui se trouvent en rapport de subordination logique. Ces vocables, expri­mant des notions d'espèce soumis à la notion de genre rendue par le ter­me d'identification, ont en réalité entre eux des distinctions trop grandes pour être qualifiés de synonymes. Ils ne sont point non plus les synonymes du tenue d'identification lui-même, vu que les mots sémantiquement subordonnés ne créent point de rapport synonymique. Ainsi les vocables fusil, épée, pistolet, canon, bombe atomique ne sont ni des synonymes entre eux, ni les synonymes du terme d'identification arme qui les englo­be. Il s'agit ici d'un rapport hypéro-hyponymique.

Il en est de même pour vaisseau, navire, bâtiment, paquebot, car­go, transport, transatlantique, courrier, steamer, vapeur, nef, cara­velle, coche, cabane (vx.) bateau-mouche, steam-boat, yacht, arche qui se laissent grouper sous le terme d'identification bateau ou ruisseau, rivière, fleuve, torrent, gave, affluent dont le terme générique est cours d'eau.

La dénomination du même objet ou phénomène de la réalité n'est point non plus un critère sûr de la synonymie. En effet, des vocables très différents par leur sens peuvent désigner dans la parole le même objet, cependant ils ne deviennent pas pour autant des synonymes. Dans un certain contexte on peut nommer un chat (un chien, une personne) - « un monstre ». (« Ce monstre, il m'a volé mon poulet ! » s'écriera une ménagère furieuse contre son chat). Toutefois monstre ne sera pas un synonyme de chat.

On insiste très souvent sur l'interchangeabilité des mots comme cri­tère de la synonymie. Au premier abord cette opinion paraît être justifiée. En effet, beaucoup de vocables qualifiés à bon droit de synonymes sont interchangeables dans la parole malgré les « nuances » de sens qui les distinguent. Dans l'usage courant nous substituons constamment joli à beau, craindre à redouter et aussi à avoir peur. On dira également finir un travail et achever un travail, de même que terminer un travail. Il est pourtant vrai que les puristes refusent d'accepter ces substitutions qu'ils qualifient de négligences et même d'erreurs. « Selon eux, dit à ce propos A. Sauvageot,... il demeure toujours un écart entre les deux signi­fications, aussi subtil que puisse être cet écart » [7, p. 76]. Toutefois les faits de la langue nous autorisent à affirmer le contraire. A. Sauvageot mentionne les données d'une enquête effectuée en vue « de savoir si les sujets parlants font une distinction nette entre les termes ci-dessous :

mansuétude / indulgence

entier / intégral

dire / déclarer

abolir / supprimer

cultivateur / agriculteur

pied de vigne / cep de vigne

morne / triste, etc.

La plupart des intéressés, conclut-il, ont commencé par ne pas pou­voir indiquer de distinction de sens, puis plusieurs se sont ravisés et ont proposé des nuances différentes, plus ou moins subtiles mais variables d'un locuteur à l'autre » [7, p. 78-79].

Toutefois l'interchangeabilité quoique souvent très utile dans la sélec­tion des synonymes ne peut être considérée comme un critère absolu. Nous avons établi que le fonctionnement réel des vocables ne découlait pas toujours directement de leur contenu idéal, autrement dit de leur sens. Le « signalement » intervient parfois en marquant de son empreinte leur fonctionnement. C'est pourquoi les mots exprimant la même notion, mais ressortissant à des styles différents de la langue fonctionneront différem­ment. Un professeur ne s'adressera point à ses élèves avec les paroles : « Vous pigez ? Grouillez-vous ! Il est 3 plombes et 10 broquilles. Je décampe becausej'ai la dent ». On ne dira pas non plus dans une con­versation : « J'ai mal à l'abdomen ». Le halo argotique ou scientifique qui s'ajoute à la notion exprimée par ces mots en restreint l'aire d'emploi. L'emploi traditionnel des mots est aussi un obstacle à l'interchangeabilité des synonymes. Donc, l'interchangeabilité ne pourra pas être appliquée à tous les synonymes. D'autre part, ainsi que nous l'avons démontré, l'in­terchangeabilité occasionnelle du type chat et monstre ne nous autorise point à y voir des synonymes.

C'est uniquement à partir de la faculté des vocables d'exprimer des notions identiques ou proches qu'il est possible de dégager des synonymes.

 

§ 92. Sur les définitions des synonymes. Parfois on définit les synonymes comme des vocables différents ayant le même sens (ou pa­reille signification). Ce genre de définitions présente un inconvénient du fait que le contenu sémantique des termes « sens » et « signification » varie d'un ouvrage à l'autre. Il est à noter que généralement on fait entrer dans le sens (ou dans la signification) des éléments hétérogènes : c'est tantôt le contenu notionnel et affectif [14, p. 148], tantôt le contenu d'in­formation du mot et les particularités de son emploi [12, p. 74-75]. Mais si l'on fonde la synonymie sur une base aussi large elle sera nécessairement réduite à un nombre de cas insignifiants, cela reviendrait à dire qu'il n'y a pratiquement pas de synonymes. Afin de dégager des synonymes il faut partir d'un principe plus simple, s'appuyer sur un aspect du mot moins complexe. Deux vocables peuvent être marqués de distinctions affectives ou fonctionnelles très nettes, mais être traités de synonymes à condition d'avoir en commun la valeur cognitive.

Souvent on appelle synonymes des vocables à composition phonique différente exprimant la même notion ou des notions très proches. Cette définition, correcte en principe, manque toutefois de précision puisque pra­tiquement il est malaisé d'établir la limite entre des notions très proches, moins proches ou éloignées. Un examen du « comportement » des voca­bles aux niveaux différents de la langue (langue-système et parole) per­mettra un discernement plus objectif. C'est dans ce sens que cette définition devrait être rectifiée. Si pour les mots exprimant des notions identiques dans la langue-système la synonymie ne soulève pas de doute il en va autrement pour les mots qui rendent des notions voisines. Ces derniers auront droit au statut de synonymes à condition que les distinctions notion-nelles, qui les opposent, s'effacent, se neutralisent régulièrement dans la parole. Alors les synonymes seraient des vocables différents pouvant éven­tuellement exprimer des notions identiques dans la parole et tout au moins des notions proches dans la langue-système.

La proximité des synonymes quant à leur valeur notionnelle est varia­ble. Certains expriment la même notion tant au niveau de la parole qu'au niveau de la langue. Tels sont les adverbes d'intensité ardemment et éperdument qui ne se différencient que par l'emploi : on dira désirer ardem­ment et aimer éperdument et non pas le contraire. Gravement et grièvement offrent le même cas. Pour d'autres, qui rendent des notions proches au niveau de la langue, la valeur intellectuelle peut coïncider dans la parole. Il en est ainsi pour les verbes craindre, redouter, appréhen­der, avoir peur qui en tant qu'unités de la langue présentent des varia­tions notionnelles assez nettes : craindre signifie « éprouver le sentiment de n'être pas suffisamment défendu de toutes sortes de choses désagréa­bles ». On peut craindre un événement, une personne, une conversa­tion, on peut craindre le ridicule. Redouter est plus fort et implique le soupçon ou le pressentiment d'une menace : on peut redouter une per­sonne, un complot, un piège. Appréhender veut dire « envisager quel­que chose avec crainte, s'en inquiéter par avance ». c'est un état de crainte vague, mal définie, proche de l'incertitude, de la timidité. Avoir peur est sémantiquement le plus ample de tous ces synonymes, il peut les rempla­cer à la rigueur, mais en même temps il a une particularité qui le distingue ; cette locution peut indiquer l'état de peur vis-à-vis d'une menace réelle, tandis que ses synonymes signifient plutôt la peur devant une menace éventuelle. C'est pourquoi on ne pourrait employer ni craindre, ni redou­ter, ni appréhender dans la phrase ci-dessous :

...il lève ses poings fermés et fait vers Sampère deux pas :

...Sampère a peur. Il blêmit à son tour et recule... (H. Par me lin).

Et pourtant dans l'usage ces distinctions se neutralisent souvent : on craint et on redoute une issue fatale, on redoute et on appréhende les suites d'une maladie [7, p. 78]. Les notions exprimées par les unités phraséologiques tirer parti et tirer profit sont proches sans être identi­ques : dans tirer profit l'idée d'un avantage intéressé est rendue plus nettement. Toutefois cette nuance n'apparaît pas toujours dans l'énoncé : on dira également tirer profit et tirer parti d'une lecture.

Il en est autrement pour partir à l'anglaise et mettre la clef sous la porte ; les nuances notionnelles qui les séparent seront présentes dans tous les cas de leur emploi : la première locution signifiera toujours « pren­dre furtivement congé d'une société, d'une compagnie », tandis que la seconde aura le sens de « quitter la maison en cachette et pour une longue durée sans payer le loyer ». Par conséquent, ces locutions ne seront point synonymes malgré leur affinité sémantique.

 

§ 93. La synonymie absolue et relative. Les synonymes dont la structure sémantique soit identique et qui, par conséquent, né se distin­guent que phonologiquement sont rares. Toutefois on constate la présence de synonymes absolus dans les différentes terminologies ce qui d'ailleurs ne contribue ni à la clarté, ni à la précision (cf. : désinence et terminaison en grammaire, phonème voisée ou sonore, voyelle labiale ou arrondie, consonne spirante, fricative ou constrictive en phonétique). La synony­mie absolue est aussi caractéristique de l'argot qui par sa nature même favorise la création d'innovations pouvant se substituer aux anciennes for­mations.

Généralement la synonymie n'est que relative. En effet, les synony­mes servent à rendre nos idées, nos sentiments d'une manière plus préci­se, plus vive et nuancée, donc à différencier. Ils reflètent les divers aspects des phénomènes réels, aspects établis par les sujets parlants au cours de leur expérience historique.

Cette destination des synonymes est surtout manifeste lorsqu'ils figu­rent côte à côte dans l'énoncé :

Ta mère est une femme exceptionnelle. Elle mérite d'être traitée

non seulement avec respect, mais avec vénération(C. Duhamel).

Robert a aussi réussi ce tour de force : il m 'a protégé de

l'isolement sam ine priver de lasolitude (S. de Beauvoir).

 

§ 94. Les variations différentielles des synonymes. Les syno­nymes diffèrent tant par leur sens (variations notionnelles et affectives) que par leur signalement (variations stytistico-fonctionnelles et variations d'emploi).

L e s v a r i a t i o n s n o t i o n n e l l e s ont déjà été illustrées par la série synonymique de craindre, redouter, appréhender, avoir peur. Ces exemples pourraient être multipliés. Dans le « Dictionnaire des synony­mes » les auteurs fournissent des explications précises pour les synonymes de l'adjectif terne (= qui a perdu en partie sa couleur) ; pâle (qui se dit d'une couleur éteinte) ; fade (qui se dit d'une couleur sans éclat), délavé (= décoloré par les lavages) et mat (= dépoli : un plat en argent mat).

Nous avons établi qu'il y a réellement synonymie si les distinctions logiques parviennent à se neutraliser régulièrement dans la parole. Quant aux autres types de variations, leur présence dans l'énoncé ne détruit guère la synonymie.

L e s v a r i a t i o n s a f f e c t i v e s. Il existe plusieurs synonymes pour rendre la notion de enfant. Le mot enfant est neutre, le mot bambin désigne un petit enfant avec une nuance de sympathie ou d'intérêt ; le mot gosse traduit la sympathie du locuteur, mais il comporte en même temps une nuance de supériorité et de dédain ; quand on veut parler à un petit garçon sur un ton amical et un peu protecteur, on peut l'appeler petit bonhomme : le mot galopin est employé généralement dans un sens pé­joratif, quant à garnement, il est nettement dépréciatif.

À côté du terme neutre tomber amoureux on emploie s'amoura­cher (« se prendre d'amour », en mauvaise part) ; se coiffer - avec une nuance d'ironie, de moquerie ; s'enticher - qui exprime le mécontente­ment et l'étonnement de celui qui parle ; s'enjuponner - qui est plein de mépris et de raillerie et qui appartient au style vulgaire.

Afin de montrer son mépris, son aversion pour une personne avare, on emploie à côté du mot avare ses synonymes affectifs : crasseux, gri­gou, grippe-sou,liardeur, harpagon.

L e s v a r i a t i o n s s t y l i s t i c o – f o n c t i o n n e l l e s. Il a déjà été question des différentes couches lexicales dont se compose le vocabulaire d'une langue. Le choix des mots dépend dans chaque cas concret des circonstances, du caractère de l'énoncé. On ne se sert pas du même vocabulaire dans un livre scientifique, une lettre officielle ou intime, une conversation avec une personne âgée ou avec un enfant. Un diplomate n'utilise pas les vocables employés par « l'homme de la aie », la façon de parler d'un étudiant varie selon qu'il s'adresse à ses camarades ou à ses | professeurs.

I Les mots appartiennent à l'un ou l'autre style de la langue écrite ou parlée : ils peuvent être neutres, nobles, familiers ou vulgaires ; ils ont tantôt un emploi commun, tantôt un emploi terminologique.

Cette répartition stylistique du vocabulaire donne naissance aux sy­nonymes stylistico-fonctionnels.

À côté de la tournure usuelle au revoir il existe une variante vulgaire à la revoyure : le mot tète possède des synonymes argotiques tels que boule, caboche, cafetière, etc. À côté de ventre on emploie ses synony­mes populaires et familiers bedaine, bidon, à côté de laisser, abandon­ner - plaquer, larguer et balancer. Si l'on veut rendre plus brutale l'idée exprimée par nous sommes perdus, on peut avoir recours aux expres­sions vulgaires nous sommes fichus ou encore nous sommes foutus. L'équivalent argotique de ne porter aucun intérêt à qch est n 'en avoir rien à cirer. Ainsi les synonymes peuvent appartenir à des styles fonc­tionnels différents, tout en exprimant la même notion ces synonymes ont des caractéristiques socio-linguistiques distinctes.

Nous devons à J. Marouzeau une étude intéressante des caractéris­tiques sociales des mots. Il nous apprend, par exemple, que infortuné est plus distingué que malheureux ; fuir est plus distingué que se sauver et vitre est plus distingué que carreau, etc. « Pour exprimer l'idée de la quantité, - dit Marouzeau, - la langue dispose d'abord de toute une col­lection de vulgarismes : une tapée, une tripotée, une flopée, une biturée, une dégelée : puis, à un degré au-dessus : une masse de, des tas de ; plus haut encore : une foule de, quantité de ; ensuite, au niveau de la langue commune : bien des, beaucoup de ; enfin, à l'usage des gens cultivés, les survivances de l'ancienne langue : maint, force et même l'archaïque et prétentieux moult » [52, p. 33]. Un autre type de synony­mes fonctionnels est représenté par la synonymie entre un mot commun et un tenue spécial : poitrinaire et tuberculeux, tuberculose et phtisie, amaigrissement et étisie, coup de sang et embolie, piqûre et injection, peau et épiderme, saignée et phlébotomie, vitriole et acide sulfurique, acide de sucre et acide oxalique, etc.

Il y a des synonymes appartenant à différents genres littéraires : fir­mament est plus poétique que ciel, génisse plus poétique que vache : à côté de la main droite il y a un synonyme appartenant au style élevé et archaïsant : dextre, etc.

L e s v a r i a t i o n s d' e m p l o i. Il y a des synonymes qui se distinguent avant tout par leur environnement linguistique. L'emploi de ces mots avec d'autres est une question d'usage.

Les mots travail, labeur sont des synonymes dont les sens sont très proches (labeur indiquerait un travail plus pénible). Les cas sont fréquents où les deux synonymes s'emploient indifféremment dans le même envi­ronnement linguistique : vivre de son travail, vivre de son labeur : im­mense travail immense labeur, etc. Toutefois, les conditions d'emploi de ces mots ne sont pas toujours identiques : on dit travaux publics mais on ne peut pas dire labeurs publics, quoique ces travaux puissent être très pénibles : l'usage n'admet pas une pareille combinaison. On dit travaux forcés, travaux de sape mais labeurs forcés, labeurs de sape sont inadmissibles. Le mot labeur peut être appliqué pour désigner un travail scientifique, et cependant le substantif labeur ne s'emploie pas avec l'ad­jectif scientifique : on dit travail scientifique, alors que labeur scienti­fique est condamné par l'usage.

Les mots triomphe et victoire tout en étant des synonymes, peuvent se distinguer par leur emploi ; ainsi dans l'expression remporter une vic­toire on ne peut pas remplacer le mot victoire par triomphe. Par contre on peut avoir un air de triomphe, mais on ne peut pas avoir un air de victoire ; cependant, on dit indifféremment air victorieux et air triom­phant.

L'étude des emplois des mots-synonymes avec d'autres mots est parmi les plus importantes et les plus difficiles.

Selon le caractère des variations on distingue les synonymes idéogra­phiques (fécond et fertile}, affectifs (gamin, galopin et garnement par rapport à garçon), stylistico-fonctionnels (caboche et tête), les synony­mes à emploi différent (triomphe et victoire).

Très souvent les distinctions des synonymes se situent sur des plans différents. Ainsi, la synonymie affective est étroitement liée à la synony­mie fonctionnelle et idéographique : la valeur affective de tel ou tel mot dépend de son emploi fonctionnel et de son contenu notionnel. Par exem­ple, dans la série des synonymes exprimant la notion de visage : figure, frimousse, minois, trogne, gueule, mufle, etc., la nuance de tendresse renfermée dans les mots frimousse, minois s'exp



2015-12-06 410 Обсуждений (0)
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